QUAND LA PEINTURE IMPOSE SON CINEMA
Entrer dans l’image peinte comme on entre dans la salle
A la recherche d’un temps suspendu
D’un écart
D’une immersion
Dans une fiction du réel
L’écran toujours impose sa loi et nous rappelle au hors champ
Et le plan ici s’impose en séquence
…une image, juste une image…
La salle est sombre et fait éclater le cadre/ écran
La scène est là, qui surgit en force, comme une fugitive
Et cherche à échapper au regard
Aux limites, à toutes les limites
Celles du cadre comme celles de l’angle de vue
Celle du fond qui se perd dans la forme a coups de frottements vifs et lâchés
Ne rien retenir
Ne rien imposer, rester étranger à son décor
Se laisser absorber par la lumière autant qu’elle nous absorbe
Se remplir d’une histoire qui nous fuit
Qui s’enfuit et nous met à l’épreuve
Il faut bien mettre en scène
Ordonner et désordonner
Devenir le maître d’un temps et d’un espace
Il y a toujours quelque chose à combattre
Il faut bien accompagner l’agonie
Celle de la peinture comme celle du monde …
Rappeler qu’on peut échapper à son sujet et se dérober sans jamais renoncer à la palette
Une palette indifférente au drame qui tente de faire surface, de se mettre en lumière comme le soleil qui peut caresser joyeusement le crime et le refléter, sans décence, aux yeux du mond
Quelle vanité que la peinture… !
Et ce noir qui s’épuise à se glisser dans les interstices de la forme pour mieux nous parler de la lumière
Toujours rompre la lumière surpuissante
Et pourtant…
La matière a ses secrets
Laissons les courir au film d’un sujet prétexte au silence et au partir
A l’absence
Il nous dit, l’incarné
La solitude de la chair
Il nous dit, le vivant
Oui oui…
Le Vivant
A la peur du présent et de l’état du monde
Il faut bien une résistance, une limite
Ce sera celle du geste fou
Celle de l’énergie du pinceau que prolonge le corps du démiurge
A la loi de l’infini elle oppose celle du non fini
Mais qu’est ce que finir ?…..
Chez Coline Casse le tableau est prétexte à la fuite
Il n’y est question que d’un instant
Juste un instant
« Ce que peint le peintre, c’est la peinture, elle-même » nous dit Hegel
La peinture de Coline, tout comme comme celle de Delacroix, de Manet, de Gaughin, et de tant d’autres ensuite, nous le rappelle, puissamment, à chaque instant…
MMerem Cluzet
Juin 2018