L’ÉTREINTE QUI SAUVE

Ce que je peux dire des peintures de Coline Casse, c’est d’abord l’évidence de voir figurer des éloignements, des absences – des tentatives de disparitions, physiques aussi bien que mentales.

Certaines figures s’effacent dans le paysage, aux lisières d’un fantastique urbain où l’état psychique contamine la réalité et métamorphose jusqu’au corps. Cet effacement laisse deviner le dernier moment avant la fin d’une existence, aussi bien que le prélude au sursaut qui guide à la renaissance. L’approche mentale d’un nouveau continent intérieur ou d’une lumière qui, même sombre, frappe la pensée et reconfigure le rapport au monde.

Ils sont pourtant difficiles à rendre, ces moments de bascule, de pliure émotionnelle, où nous gardons les yeux ouverts sur un jardin, une rue, un objet, pour que le véritable regard soit intérieur, pour faire face au saisissement de la mort, à la fin de l’amour, au sentiment qui submerge… A la croisée des chemins, les figures plongent en elles-mêmes pour fixer leur paysage dévasté ou tenter de déchiffrer les signes d’un futur à suivre. Résolution ou abandon, passage de l’inquiétude à l’apaisement, de la solitude glacée à l’incendie du cœur, de la tristesse au déchirement des illusions.

Chaque figure pourrait être un ange des Ailes du désir – invisible, à l’écoute des pensées et du réseau des sensations, comme sur le point de se laisser mourir pour mieux apparaître aux autres. Chacune porte en elle le double d’elle-même – chacune se voit confier la dure tâche d’être son ange propre. Une chose est là pour aider, qui dégage une très grande chaleur au milieu de l’incertitude : un bleu très beau qui, seul, comme une lumière, pourrait rattacher les existences au monde. C’est l’étreinte qui sauve.

Jimmy Deniziot, 2018